Publié le 29 Octobre 2012

les états généraux des médias d'information

Organisés sous l’impulsion du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les Etats généraux des médias d’information (EGMI) ont entamé, ce jeudi 25 octobre, les travaux de leur troisième et dernier atelier consacré à la liberté d’expression. L’objectif des discussions est de faire la lumière sur les contours de cette garantie fondamentale, ô combien importante pour les journalistes. Durant les deux mois qui nous séparent de la fin de l'année 2012, de nombreux universitaires, praticiens du droit (avocats et magistrats) et journalistes participeront aux débats afin d’identifier les forces et faiblesses du droit en vigueur et, le cas échéant, de formuler des propositions de réforme, aussi bien à l'intention du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles qu'à l'égard des autres niveaux de pouvoirs. Toute contribution citoyenne est la bienvenue sur le site internet des EGMI. Pour ma part, je me suis interrogé, avec le Prof. E. Montero, à la question de la distinction entres les journalistes professionnels et les journalistes citoyens.

Voy. également le site de l'Association des Journalistes Professionnels (AJP) consacré aux aux EGMI.

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Rédigé par Quentin Van Enis

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Publié le 29 Octobre 2012

Mouvement raëlien, liens et hyperliens : la Cour européenne perd le fil…

Dans un arrêt long de septante pages (dont plus de la moitié rapporte des opinions séparées !) rendu le 13 juillet 2012, la majorité de la grande chambre de la Cour européenne a jugé que les autorités suisses pouvaient légitimement interdire l’apposition dans l’espace public d’une affiche publicitaire qui mentionnait l’adresse du site internet du Mouvement raëlien, site librement accessible, qui n’avait jamais fait l’objet d’une interdiction.

Le Mouvement raëlien est une association religieuse militant pour l’établissement d’une « géniocratie » (doctrine selon laquelle le pouvoir ne devrait être exercé que par des individus présentant un coefficient intellectuel élevé), favorable au clonage humain, prônant une forme de « méditation sensuelle » et dont certains membres ont, par le passé, été impliqués dans des affaires de sévices sexuels sur des mineurs.

L’interdiction de la campagne publicitaire a été jugée proportionnée à l’objectif de la la prévention du crime, de la protection de la santé et de la morale et de la protection des droits d'autrui par une majorité de juges (en vertu de l'article 10, § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme).

L’arrêt, et ses nombreuses opinions séparées, fourmillent d’enseignements sur la distinction entre les obligations négatives et positives des Etats sur la base de l’article 10 de la Convention (voy. la fiche détaillée établie par la division de recherche de la Cour à ce sujet), sur la définition du message publicitaire ou sur l’accès à l’espace public.

Il pose également la question de la place à réserver à l'internet dans le paysage médiatique. A travers l’opposition entre majorité et minorité au sein de la Cour, l’affaire laisse apparaître l’ambivalence du rôle de l’internet : le Web doit-il servir de valve de sécurité en contribuant à la proportionnalité des interdictions de diffusion touchant les autres médias (position de la majorité, § 73) ou doit-on considérer, par un impératif de cohérence, que la diffusion licite d’un propos sur l’internet justifie l’admissibilité de sa dissémination par le biais d’autres médias, tel, en l’occurrence, l’affichage dans l’espace public (voy. notamment § 6 de l’opinion dissidente commune aux juges Tulkens, Sajo, Lazarova Trajkovska, Bianku, Power-Forde, Vucinic et Yudkivska) ? En l'espèce, l'approche majoritaire paraît paradoxale dans la mesure où l'affichage a été interdit précisément en raison du site internet vers lequel elle renvoyait... (§ 9 de l’opinion dissidente commune aux juges Tulkens, Sajo, Lazarova Trajkovska, Bianku, Power-Forde, Vucinic et Yudkivska).

L’arrêt de la Cour pose par ailleurs la question de la responsabilité découlant de la mise en place d’hyperliens sur la toile car, rappelons-le, le principal motif d'interdiction de la campagne d'affichage résidait dans la présence sur l'affiche proposée de l'adresse du site internet, parfaitement légal, de l'association (§ 69).

La majorité n'a pas suivi l'avis de l'organisation Article 19 qui, dans son intervention volontaire, en qualité d’amicus curiae, a affirmé qu’ « une mesure consistant à exiger la suppression d’un lien sans traiter d’abord la source du contenu prétendument illégal constituerait toujours une démarche disproportionnée » (§ 47).

La majorité aurait sans doute été mieux inspirée en suivant l’approche de la Cour suprême du Canada qui a récemment considéré que « tant les hyperliens que les renvois signalent l’existence d’une information sans toutefois en communiquer eux-mêmes le contenu » (Crookes c. Newton, 2011 CSC 47, disponible ici. Voy. également l’opinion dissidente commune aux juges Sajo, Lazarova Trajkovska et Vucinic et celle du juge Pinto de Albuquerque). Le site internet vers lequel il est renvoyé reste toujours accessible par d’autres voies que par le clic sur l’hyperlien. Du reste, l’internet présente un caractère évanescent qui fait que celui qui place le lien ignore généralement ce que va devenir le site auquel il renvoie...

Dans ce même jeu de liasions dangereuses, les juges majoritaires ont également pris en compte le fait que l’autorisation de la campagne d’affichage était susceptible d’entraîner dans les yeux du public un cautionnement officiel des activités de l’association, cautionnement jugé problématique au regard de la neutralité attendue des autorités publiques. Pourtant, le lien entre l’octroi d’une autorisation d’affichage et l'implication des pouvoirs publics est contestable. Comme il a été souligné, une telle position reviendrait à considérer que « la liberté d’expression dans l’espace public pourrait être restreinte pour la seule raison que les autorités sont en désaccord avec les idées développées » (opinion dissidente commune aux juges Tulkens, Sajo, Lazarova Trajkovska, Bianku, Power-Forde, Vucinic et Yudkivska, § 11).

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Rédigé par Quentin Van Enis

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Publié le 26 Octobre 2012

e-watchdog ou la liberté de la presse 2.0

Au sein de sa jurisprudence relative à la liberté d'expression, la Cour européenne des droits de l'homme fait référence à la mission remplie par la presse dans une société démocratique. Chargée d'informer le public sur toute question d'intérêt général, la presse joue le rôle de "chien de garde" de la démocratie ("watchdog"). Elle se doit d'aboyer à chaque fois que la perspective d'un danger se profile à l'horizon.

Ces dernières années, la Cour de Strasbourg a reconnu que des acteurs étrangers aux médias professionnels pouvaient s'acquiter valablement de cette mission (ONG, militants, universitaires, etc.). Le qualificatif de "chien de garde" a donc logiquement été étendu à tout citoyen qui décide de partager des idées ou des informations à destination du plus grand nombre, notamment par le biais de l'internet.

Parallèlement à l’émergence sur le réseau de nouveaux acteurs (on songe tout particulièrement au « journalisme citoyen » qui se déploie à travers les blogs, les forums de discussion et les réseaux sociaux) et de nouvelles pratiques (interactivité, immédiateté de l’information, services d’archives), une convergence technologique croissante fait de l'internet une sorte de média centralisateur voué à intégrer tous les autres (écrit, images, audiovisuel) en son sein.

Ce blog a donc pour objectif de contribuer à rendre compte des multiples questions juridiques suscitées par la révolution numérique qui frappe le secteur de l'information.

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