Publié le 25 Mars 2013

Etude du Conseil de l'Europe sur l'harmonisation des législations et pratiques relatives à la diffamation

Préparé par le secrétariat du Comité directeur sur les médias et la société de l’information (CDMSI), ce document fait le point sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à propos de la diffamation au regard de la liberté d'expression (article 10 de la Convention), synthétise les différentes textes pertinents émanant du Conseil de l'Europe et d'autres instances internationales, et fournit des informations sur l'état de la législation dans les différents Etats membres du Conseil de l'Europe.

Si le terme "diffamation" visé dans le titre de l'étude est entendu dans un sens large en raison des significations très variées qui lui sont prêtées dans les différents pays du Conseil de l'Europe (action pénale/civile, propos oraux/écrits, faits/jugements de valeur, etc...), la principale question qui est posée est celle de savoir si, en 2013, il est toujours nécessaire dans une société démocratique de sanctionner pénalement la diffamation.

En Belgique, la question de la dépénalisation de l'exercice de la liberté d'expression a été largement abordée lors des discussions aux Etats généraux des médias d'information dont le troisième et dernier atelier consacré à la liberté d'expression s'est terminé le 28 février dernier.

Sur la situation dans notre pays, voy. l'étude à la page 49. On ajoutera qu'aujourd'hui, l'article 150 de la Constitution offre aux auteurs de "délits de presse" la quasi-certitude d'une impunité pénale de fait dès lors que ces délits ne font généralement plus l'objet d'un renvoi devant la Cour d'assises, seule compétente pour en connaître (à l'exception des délits de presse inspirés par le racisme et la xénophobie qui sont du ressort du tribunal correctionnel). Toutefois, même si la notion de "délit de presse" a récemment été étendue aux écrits diffusés sur l'internet, elle ne vise pas, loin s'en faut, l'ensemble des usages de la liberté d'expression.

Voir les commentaires

Rédigé par Quentin Van Enis

Publié dans #News, #Bibliographie

Repost0

Publié le 14 Mars 2013

La condamnation des gestionnaires du site The Pirate Bay jugée conforme à la Convention européenne des droits de l'homme

L’équilibre entre le droit d’auteur et la liberté d’expression est une question qui revient au devant de l'actualité avec l’émergence des nouvelles technologies permettant le partage à large échelle de nombreux contenus protégés.

On se rappelle ainsi des récents arrêts rendus par la Cour de Justice de l’Union européenne dans les affaires Scarlet c. Sabam et Sabam c. Netlog, dans lesquels elle a considéré qu’il ne pouvait être fait obligation aux intermédiaires techniques (respectivement au fournisseur d’accès et au prestataire d’hébergement) de mettre en place un système généralisé de filtrage pour prévenir les atteintes aux droits de propriété intellectuelle, notamment en raison des risques que pareille mesure aurait entraînés pour la liberté d’expression.

Il y a quelques semaines, la Cour européenne des droits de l’homme, quant à elle, a admis pour la première fois l’existence d’une ingérence dans le droit à la liberté d’expression, en raison de la condamnation encourue par des photographes qui avaient violé les droits d’auteur de créateurs de mode en diffusant, sans autorisation, des clichés de défilés sur leur propre site Internet (voy. l’arrêt Ashby Donald et autres c. France). Si la Cour a finalement jugé que l’ingérence était justifiée en l’espèce, elle n’en a pas moins considéré que les règles du droit d’auteur étaient soumises au respect de la liberté d’expression protégée par l’article 10 de la Convention.

Une récente affaire portée devant la Cour de Strasbourg confirme l’actualité de la question du rapport entre le droit d’auteur et la liberté d’expression, en particulier dans la société de l’information.

Par une décision Neij et Sunde Kolmisoppi, rendue hier, le 13 mars 2013, la Cour européenne a rejeté à l’unanimité la requête formée par deux responsables du site The Pirate Bay pour défaut manifeste de fondement.

Le site en question permet de rechercher et de télécharger des fichiers torrent qui rendent possible l’échange de contenus entre internautes. Convaincus de complicité d’infraction à la loi sur le copyright, les requérants avaient été condamnés par les juridictions suédoises à une peine de prison (respectivement de 10 et de 8 mois) et au paiement d’importants dommages et intérêts (près de 5 millions d’euros) aux titulaires de droits sur les oeuvres téléchargées à l’aide du site litigieux (sur les développements de cette affaire devant les juridictions suédoises, voy. le reportage "TPB AFK : The Pirate Bay Away From Keyboard", diffusé sur Arte et disponible en streaming ici).

Devant la Cour de Strasbourg, les requérants invoquaient une violation de leur droit à la liberté d’expression (article 10 de la Convention), en considérant que cette disposition leur garantissait le droit de mettre en place un service Internet permettant le transfert de contenus entre utilisateurs, lequel pourrait être utilisé à la fois à des fins légales et illégales, sans que les responsables de ce service puissent être condamnés pour des actes commis par ses utilisateurs.

Les juges européens ont admis facilement l’existence d’une ingérence dans la liberté d’expression des requérants. En effet, la Cour avait déjà reconnu à la faveur d’arrêts antérieurs l’importance jouée par les sites Internet dans la communication et la réception de l’information. Elle avait déjà admis, à plusieurs reprises, que la liberté d’expression protégeait non seulement les informations, mais également les moyens techniques permettant de les diffuser ou de les capter. La Cour ne fait généralement pas de distinction, à ce stade du raisonnement à tout le moins, selon le but poursuivi par celui qui exerce sa liberté d'expression, celui-ci pouvant, comme en l'espèce, être purement lucratif.

La reconnaissance d’une ingérence n’emporte pas nécessairement constat de violation de la liberté d’expression, dans la mesure où la restriction peut être justifiée au titre du second paragraphe de l’article 10.

La Cour n’a eu aucun mal à admettre à cet égard que l’ingérence était prévue par la loi (la loi suédoise sur le copyright) et poursuivait un but légitime visé par le second paragraphe de l’article 10 (ici la protection des droits d’autrui, soit les titulaires de droits d’auteur, et la prévention du crime).

Se penchant alors sur la troisième et dernière condition dite de nécessité dans une société démocratique, la Cour a reconnu une large marge d’appréciation à l’Etat suédois. Cette marge d'appréciation renforcée est apparue justifiée aux yeux des juges strasbourgeois, d’une part, en raison l’existence d’un conflit entre deux droits concurremment consacrées par le texte de la Convention (soit le droit à la liberté d’expression des gestionnaires du site et le droit de propriété des ayants droit, dont la protection peut requérir l'adoption de mesures positives par l'Etat et qui comprend les droits de propriété intellectuelle) et d’autre part, en raison du type d’information en cause qui ne bénéficierait pas de la même protection que celle accordée à l’expression et au débat politique.

De la lecture de l’arrêt, il résulte toutefois que c’est moins le type d’information échangée par le biais du site incriminé que l’intention purement mercantile des deux requérants qui a joué un rôle décisif dans l’appréciation de la Cour de la nécessité de l'ingérence (celle-ci avait déjà statué en ce sens, en présence de violation de droit d’auteur à des seules fins commerciales, dans l’arrêt Ashby Donald et autres c. France, § 39). Refusant implicitement de souscrire à l'argument du caractère prétendument neutre et passif du site en question, la haute juridiction strasbourgeoise a également constaté que les requérants avaient été condamnés uniquement à raison de contenus qui étaient protégés par le droit d’auteur. Enfin, pour admettre que la condamnation pénale et civile des requérants était bien proportionnée, la Cour s’est montrée attentive au fait qu'en dépit d'avertissements, les responsables de Pirate Bay n’avaient pris aucune mesure pour retirer les fichiers litigieux et qu’ils étaient restés indifférents au fait que des oeuvres protégées par le droit d’auteur étaient partagées par l'entremise de leur site Web.

Voir les commentaires

Rédigé par Quentin Van Enis

Publié dans #News

Repost0