Publié le 15 Janvier 2014

Pour la Cour européenne des droits de l'homme, les révélations sur la vie privée d'un homme d'Etat peuvent contribuer au débat d'intérêt général

Par deux arrêts rendus hier (Ruusunen c. Finlande et Ojala et Otukeno Oy c. Finlande), la Cour européenne des droits de l’homme vient une nouvelle fois de se prononcer à propos de l’équilibre entre le droit à la liberté d’expression (article 10, de la Convention européenne des droits de l'homme) et le droit au respect de la vie privée (article 8 de la même Convention).

Dans les deux affaires soumises à la Cour, l’auteur d'un livre, d’une part, et l’éditeur et la société éditrice de ce livre, d’autre part, se plaignaient de la condamnation pénale que les deux premiers nommés avaient encourue devant les juridictions finlandaises en raison de la publication de l'ouvrage autobiographique d'une mère célibataire ayant entretenu une liaison amoureuse avec le Premier ministre finlandais alors que ce dernier était divorcé d'avec son épouse.

Avec un timing parfait - mais purement fortuit ! - compte tenu des remous provoqués par l’affaire Hollande-Gayet en France, la Cour de Strasbourg a considéré, dans les deux arrêts, que la révélation des circonstances entourant le commencement d’une relation amoureuse entretenue par un homme d'Etat pouvait contribuer à un débat d’intérêt général sur l’honnêteté et la capacité de jugement de l’intéressé, ainsi que sur d'autres questions dont la sécurité des figures politiques de premier plan (arrêt Ruusunen, § 49 ; arrêt Ojala et Otukeno Oy, § 54). La Cour de Strasbourg a toutefois souligné qu’il en allait autrement de la révélation des détails de la vie sexuelle de l’homme politique et des attitudes et sentiments de ses enfants que l'intéressé avait gardé secrets (arrêt Ruusunen, § 50 ; arrêt Ojala et Otukeno Oy, § 55).

Constatant que la mise en balance entre la liberté d’expression de l’auteur et le droit au respect de la vie privée du premier ministre avait été effectuée conformément aux critères qui se dégagent de sa propre jurisprudence (voy. les arrêts de grande chambre rendus dans les affaires Von Hannover (2) et Axel Springer AG), la Cour a refusé de revenir sur la conclusion adoptée par les juridictions finlandaises (arrêt Ruusunen §§ 51-52 ; arrêt Ojala et Otukeno Oy, §§ 56-57).

Enfin, la Cour a jugé que la sanction prononcée était restée globalement proportionnée (arrêt Ruusunen, § 53; arrêt Ojala et Otukeno Oy, § 58).

Partant, elle a refusé de voir une violation du droit à la liberté d’expression dans la condamnation de l’auteur et de l’éditeur.

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Rédigé par Quentin Van Enis

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