Le droit d'accès à l'information vaut également dans le domaine de la surveillance électronique

Publié le 27 Juin 2013

Le droit d'accès à l'information vaut également dans le domaine de la surveillance électronique

Alors que les révélations faites par le "whistleblower" américain Edward Snowden sur le programme de surveillance PRISM font la une des médias depuis plusieurs semaines, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé avant-hier, le mardi 25 juin 2013, dans un arrêt Youth Initiative for Human Rights c. Serbie, que la transparence administrative devait également valoir à l'égard des agences de renseignements.

Dès lors que le droit d'accéder à l'information est couvert par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme protégeant la liberté d'expression, un refus des autorités publiques de laisser les citoyens accéder à des informations en leur possession doit être justifié au regard des trois conditions cumulatives du second paragraphe de l'article 10 (l'ingérence doit être "prévue par loi", poursuivre au minimum un but légitime énuméré dans ce paragraphe et apparaître "nécessaire dans une société démocratique"). La règle doit être l'accessibilité et tout refus doit être dûment justifiée (comme cela ressort des instruments internationaux cités par la Cour aux §§ 13-15 de l'arrêt).

En l'espèce, l'association requérante, une ONG s'intéressant aux droits de l'homme avait essuyé un refus de l'agence nationale des renseignement de lui transmettre une information concernant le nombre de personnes surveillées à l'aide de moyens électroniques durant l'année 2005, et ce en dépit d'une décision définitive favorable rendue par les juridictions internes.

Devant la Cour de Strasbourg, la requérante se plaignait (notamment) d'une ingérence dans son droit à la liberté d'expression (article 10 de la Convention).

A l'argument classique du gouvernement faisant valoir que cette disposition ne garantit pas un droit général d'accéder à l'information (§ 17), la Cour a répondu que la "liberté de recevoir des informations" consacrée à l'article 10 comporte un droit d'accéder aux informations (§ 20). La Cour a rappelé que les ONG qui interviennent dans le débat d'intérêt général exercent un rôle de "chien de garde" de même importance que celui exercé par la presse (§ 20). Dès lors, le niveau de protection de ces activités doit être similaire à celui accordé à la presse (§ 20).

La Cour a jugé que le refus opposé à la requérante est constitutif d'une ingérence dans son droit à la liberté d'expression dès lors que l'organisation était impliquée dans un processus légitime de collecte d'information d'intérêt général avec l'intention de la diffuser au public et qu'elle contribuait ainsi au débat public (§ 24). Pareille ingérence n'était pas "prévue par la loi", dès lors qu'une décision définitive avait reconnu que l'ONG requérante était en droit d'accéder à cette information (§ 25). La Cour ne s'est pas montrée convaincue par l'argument faisant valoir que l'agence ne détenait pas l'information recherchée et ce, en raison aussi bien de la nature de l'information recherchée que du refus initial qui avait été justifié pour des raisons de sécurité nationale (§ 25).

Dans leur opinion concurrente commune, les juges Sajo et Vucinic ont voulu insister sur la nécessité de lire l'article 10 de la Convention à la lumière d'autres instruments de protection de la liberté d'expression et notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 19) qui, rappelons-le, protège expressément le droit de rechercher des informations. Au passage, l'opinion séparée relève à juste titre que "dans l'univers d'Internet, la différence entre les journalistes et les autres membres du public disparaît rapidement" et qu'"il ne peut y avoir de démocratie robuste sans transparence, laquelle devrait être exercée par tous les citoyens" (nous traduisons).

Rédigé par Quentin Van Enis

Publié dans #News

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